Une histoire d’amour

La route chaotique pour rejoindre l’Inde et le déjeuner me provoque de violents ballonnements. C’est vrai que j’ai peut-être un peu abusé sur la quantité de riz et de légumes ingérés à midi. Je prends la décision de passer la frontière le lendemain car je sais qu’il me sera plus facile et moins coûteux de dormir au Népal. Même si je me suis levé à l’aurore, il fait déjà nuit lorsque le bus me dépose dans la ville frontalière de Bhairahawa. Sur les trottoirs je distingue des étals délicatement décorés et une scène sur laquelle une chanteuse est en train de donner un concert. Demain soir, sera le jour de l’an pour les Népalais qui fêteront l’année 2080 !


De retour en Inde

Je suis un peu inquiet lors du passage de la frontière car je ne sais pas si le trentième et dernier jour du visa est inclus ou non et un voyageur rencontré à Katmandou m’avait dit qu’il n’était pas possible de rentrer par voie terrestre en Inde avec un visa électronique comme le mien. Qui ne tente rien n’a rien !

Côté népalais les douaniers sont extrêmement gentils et me proposent même de rester un jour de plus dans leur pays ! Côté indien, l’ambiance est tout autre. Les trois douaniers prennent leur temps et n’ont pas l’air de considérer les deux touristes dont je fais partie. Après avoir répondu à plusieurs coups de téléphone, de multiples aller-retours et des discussions autour de l’ordinateur, je suis finalement invité à donner mon passeport. Une grosse demi-heure plus tard mes papiers sont en règle. Je rejoins Gorakpur en bus d’où je prends mon premier train de nuit en direction de Lucknow. Mon état digestif ne s’est pas amélioré et je fais de nombreux va-et-vient aux toilettes pendant la nuit. J’en viens à penser que l’Inde ne veut décidément pas de moi. L’attente dans la gare suivante est ponctuée par quelques frayeurs et je parviens in extremis à rejoindre les WC. Cette fois je prends les choses en main dès le début. J’avale un antidiarrhéique, me nourris de tsampa, de biscuits et dilue dans ma poche à eau une poudre contenant vitamines et minéraux pour conserver les électrolytes de mon corps. La pâtée de tsampa est un excellent moyen de lutter contre la diarrhée car elle crée un véritable plâtre dans mon système digestif. 

Dans le train suivant, je rencontre plusieurs jeunes dont certains vont passer un examen pour postuler à l’armée de l’air indienne. Un autre a étudié l’histoire et me relate certains faits de la formation de l’empire indien. Il m’avoue que ma simplicité redore l’image du touriste snob et vaniteux qu’il s’était faite des étrangers voyageant en Inde. Je lui pose la question de la pollution qui est le sujet qui me préoccuperait le plus si je vivais en Inde. Quand je lui explique qu’en France il est interdit de jeter les déchets par la fenêtre du train, il me répond : « oui mais en France vous n’êtes pas aussi libres ! ». Certes mais parfois les règles ont du bon…

J’apprends que le train est réputé pour faire des rencontres et c’est vrai que c’est un endroit très convivial (lorsque les passagers ne sont pas tassés comme des sardines !) Mes nouveaux amis m’apprennent à jouer au Ludo et le trajet se termine avec un artiste de rue chantant dans le wagon. Les mains s’entrechoquent, des sourires se dessinent sur les visages et pour couronner le tout, mon transit tient le coup !


Une merveille du monde ?

J’arrive à Agra à 22h30 et il n’y a visiblement plus de bus. Je fais le choix de marcher même si je n’ai pas totalement récupéré de mon problème intestinal. Quatre kilomètres me séparent de la zone où se trouvent les hôtels. J’ai le pressentiment qu’un touriste marchant dans la nuit avec un gros sac attisera la pitié d’une âme charitable. Trente minutes plus tard, un homme en train d’apprendre la conduite d’un deux roues à sa femme me fait monter sur le scooter électrique. À trois avec mon sac à dos, nous rejoignons le quartier des auberges abordables. Coup de chance, je trouve rapidement une chambre simple pour le prix d’un lit en dortoir. Une bonne douche et un rapide lavage à la main de mes vêtements plus tard, je m’écroule de fatigue.

Pas de repos pour les backpackers car je me lève à l’aurore pour éviter la foule au Taj Mahal. Je bougonne avant de pénétrer dans l’une des sept merveilles du monde. La première fois lorsque j’observe la différence de prix entre le ticket des locaux (100 INR) et celui pour les étrangers (1 000 INR). Et je râle une seconde fois quand mon petit déjeuner se fait refouler lors du passage dans la machine à rayons X. Pas question d’abandonner ma nourriture, j’avale un paquet de gâteaux et laisse le reste dans le vestiaire. 

Enfin, je pénètre dans une première cour entourée de murs en grès rouge. Une seconde arche dévoile le célèbre monument de marbre blanc.

Même à sept heures du matin, il y a du monde au Taj Mahal !

Je dois avouer être un peu déçu par la taille du Taj Mahal. Je l’imaginais beaucoup plus imposant. Peut-être est-ce parce qu’il n’y a aucun autre bâtiment dans l’immense jardin ou alors les trois semaines passées dans les montagnes népalaises ont faussé mon sens des perspectives.

L’intérieur de marbre me fait penser au hammam que j’avais essayé à Istanbul. En regardant de plus près la pierre, je remarque que les motifs sont des incrustations qui ont dû demander un travail colossal compte tenu de la dureté de la pierre. 

Construit suite à la peine insurmontable qu’éprouvait l’empereur Shah Jahan après la perte de sa femme, je ne peux m’empêcher de penser à la réalisation de ce monument. Ne sommes-nous pas en train de nous émerveiller de la folie mégalomane d’un homme qui a réduit en esclavage des milliers de personnes pour un chagrin d’amour ? La construction du Taj Mahal a duré 100 ans et « employé » plus de 22 000 esclaves.

Le soleil commence à se lever et la foule à envahir les jardins. Il est temps que je m’éclipse et je rejoins l’hôtel pour le reste de la journée qui passe assez vite après une sieste de deux heures sur la banquette de la salle commune. Par hasard, je sympathise avec le cuisinier qui me fait pénétrer au plus près des woks. J’ai droit à un véritable cours particulier sur la préparation d’un paratha : galette de blé fourrée de pommes de terre et d’oignons.

J’ai toujours été curieux de connaître l’économie personnelle de la classe populaire indienne. Ce cuisinier est payé seulement 7 000 roupies par mois (78,00 €) mais ce faible salaire est en mettre en adéquation avec les dépenses aussi plus faibles. La location mensuelle de son appartement lui coûte 1 500 roupies (17,00 €) plus 500 roupies d’électricité (5,61 €). Son budget alimentaire pour nourrir sa famille est de 3 000 roupies (34,00 €). Il est le seul à travailler et sa femme reste à la maison pour s’occuper des tâches quotidiennes et garder leur petit garçon d’un an. En tout cas il aime son métier et est satisfait de pouvoir discuter avec les touristes dans un anglais relativement bon qu’il a appris tout seul. 


Au pied de l’Himalaya indien

Faute de ligne de train directe en direction de Rishikesh dans les montagnes au Nord de l’Inde, je prends un bus de nuit. Depuis la salle d’attente de la compagnie, je prie pour que mon transit continue à tenir le coup, le bus étant la pire des idées en cas de problème digestif. 

Si l’on omet les deux heures de retard et la demi-heure supplémentaire à charger une trentaine d’immenses colis enveloppés de tissus blancs sur le toit du bus, alors le trajet s’est bien passé. Ah oui, j’ai été débarqué vingt-sept kilomètres avant Rishikesh car j’étais le seul passager à me rendre dans cette ville. Le chauffeur de bus a payé ma place dans un tuk-tuk collectif. Je finis le trajet tassé dans la cabine en compagnie de huit autres personnes.

 Au pied de l’Himalaya indien, Rishikesh est une petite ville au bord du Gange plébiscitée par les locaux qui viennent y faire du rafting et les touristes pour les séminaires de yoga. Le mois d’avril est en plein dans la saison chaude ce qui rend difficile les petites randonnées aux alentours. Malgré la chaleur, des arbres rustiques recouvrent les montagnes et apportent un peu de fraîcheur à l’air.

Comme il n’y a pas de grande ville en amont du fleuve et que l’eau me semble propre, j’en profite pour faire un plouf. Ce serait un sacrilège de quitter l’Inde sans s’être baigné dans le fleuve sacré. Sous le regard amusé des autres Indiens faisant trempette, je m’immerge dans l’eau fraîche du Gange. J’espère que cela m’apportera plus de chance que de maladies !

Coucher de soleil sur les Ghats du Gange

Le temple d’or

Je suis désormais réconcilié avec les trains indiens. C’est vrai que lors de la réservation j’ai bien fait attention à ce que le train opère régulièrement et à ce que ma destination corresponde au terminus. Mon transit intestinal est redevenu normal et je me réjouis de pouvoir de nouveau m’alimenter au bord de la route. Les journées ensoleillées de cette saison produisent des raisins incroyablement sucrés et des mangues délicieuses !

Arrivé à Amritsar proche de la frontière pakistanaise, je prends mon petit déjeuner sur le quai : tsampa et biscuits. Je me régale de cette farine d’orge grillée lorsqu’un homme m’aborde. Avec sa petite boîte en bois, il répare, nettoie et lustre les chaussures. Mes baskets trouées n’ont pas échappé à son regard affûté. Les coutures que j’avais réalisées avec un fil trop fin avaient lâché après une journée de marche au Népal. Pour quelques euros, il réalise quatre coutures avec un fil bien plus solide et change mes semelles. Guide dans les montagnes à temps partiel, son anglais est relativement bon. Il m’explique qu’il est possible de loger gratuitement dans le Golden Temple, l’attraction principale de cette ville. Une fois les balafres de mes chaussures recousues, je me dirige vers le temple.

Ma carte me conduit à un premier temple qui ne s’avère pas être le bon. Après quelques minutes de confusion je parviens au fameux temple d’or. Véritable Mecque pour les Sikhs, le site attire de multiples pèlerins à turbans. La coiffe de tissu est l’élément caractéristique des Sikhs et fait partie des cinq éléments distinctifs des fidèles (les cinq « K »): le kesha (turban), le kangha (peigne), le kara (bracelet d’acier), le kirpan (poignard) et le kaccha (caleçon court). Cette religion à la croisée des chemins entre l’hindouisme et l’islamisme est relativement récente puisqu’elle date du XVIe siècle.

Je parviens dans la cour intérieure de l’immense bâti qui sert à accueillir les voyageurs. Une fois le registre signé je suis conduit dans un dortoir climatisé réservé exclusivement aux étrangers. La porte est surveillée par un garde à la barbe longue tenant fièrement une lance dans sa main droite. J’ai l’impression d’avoir fait un bond dans l’histoire et d’être un voyageur du Moyen Age.

Le temple d’or est situé au milieu d’un bassin lui-même entouré de bâtiments en marbre blanc. Il est composé de 900 kg d’or et le lac représente 70 % de sa superficie à l’image de l’eau dans le corps humain Pour pénétrer dans ce lieu sacré il faut se déchausser et couvrir ses cheveux d’un bandeau orange.

Le temple d’or de nuit

L’un des principes du sikhisme que j’avais découvert lors de mon voyage en Malaisie est de servir de la nourriture gratuitement à toutes les personnes le désirant.  Nourrissant gratuitement plus de 100 000 personnes par jour, le fonctionnement de la cantine du temple d’or est extrêmement bien rodé. À l’entrée, chacun se voit distribuer un plateau en acier, un bol et une cuillère. Ensuite une queue se forme pour patienter le temps que la salle principale se vide. Quinze minutes plus tard, je pénètre dans cette immense pièce où des centaines de personnes s’assoient en ligne sur une toile de lin. Puis des hommes armés de seaux et de louches en inox servent chaque plateau rangée par rangée. Au menu : riz, soupe de lentilles, curry de légumes, galettes de blé et une pâte délicieusement sucrée.  Je suis resservi plusieurs fois. Pour l’eau, un réservoir sur un chariot à roulettes poussé par un homme distribue automatiquement l’eau dans les bols à l’aide d’une gâchette fixée sur le guidon. Déjà une autre file attend son tour. Le sol est rapidement nettoyé avec de larges balais. Une chaîne humaine récupère et nettoie les plateaux. Le cycle est bouclé.

Une telle organisation est financée par les dons, les volontaires et les fidèles qui gèrent leurs finances personnelles de la façon suivante. Puisqu’ils possèdent une profession et souvent de petites entreprises : un tiers de leurs revenus est utilisé pour faire croître leur business, un autre tiers pour subvenir à leurs besoins personnels et le dernier sert de don pour le fonctionnement du temple. Avec un peu de générosité, il y a de l’abondance pour tous.

Les toilettes gratuites et communes de l’hébergement sont tout aussi surprenantes. Jamais je n’avais vu des WC si propres et si fréquentés. La foi fait des miracles paraît-il !

Je me demande à quoi ressemblerait le monde si toutes les religions partageaient ces mêmes principes d’hospitalité et de bienveillance. Et si l’on faisait une cantine universelle à la place d’un revenu universel ? Nous pourrions y faire travailler les détenus et les sans emploi. En plus, cela contribuerait à recréer ce lien qui unissait autrefois les habitants d’un même village. 


Curiosité à la frontière

En fin de journée, je rejoins Waga border, frontière entre l’Inde et le Pakistan. Tous les jours à 17 h se tient une cérémonie entre les deux pays. Côté indien, j’ai l’impression d’aller voir un match de foot. Une foule avec des drapeaux, des casquettes et du maquillage sur les joues se dirige vers les gradins. Depuis mon siège, j’observe ce stadium rempli. Le centre de l’amphithéâtre est traversé par une route qui se termine devant un portail et un haut grillage. En face, côté Pakistanais, la symétrie est parfaite si ce n’est que les gradins sont un peu plus petits et qu’il n’y a personne à l’intérieur. En attendant la cérémonie des jeunes indiens dansent sur la route au rythme des basses. Vient ensuite un militaire en treillis, qui armé de son micro chauffe l’ambiance. Une dizaine de militaires défilent ensuite de façon symétrique du côté indien et pakistanais. Il y a une sorte de concours de celui qui produira le plus long son avec sa voix sans reprendre sa respiration. Lorsque l’Inde gagne la foule est en délire. Les drapeaux flottants dans le vent marquent la fin de ce spectacle pour le moins original ! 

Waga border : un spectacle entre l’Inde et le Pakistan

Sur le chemin du retour, un homme me prend en stop sur sa moto sans que je n’aie eu besoin de tendre le pouce. J’enchaîne avec un bus bien rempli ce qui me confère la meilleure place près de la porte. Je me tiens à une barre de fer et me penche vers l’extérieur. J’adore sentir l’air caresser mon visage et voir le paysage défiler. En regardant à l’arrière, je découvre une boule de feu se couchant sur les champs de blé. L’eau qui est tombée sur les épis pendant une averse orageuse a libéré les arômes du grain qui embaument l’air. L’Inde c’est comme une histoire d’amour, on l’aime autant qu’on la déteste.


Sur la route de la spiritualité

Dans le dortoir du temple d’or j’ai rencontré David un moine bouddhiste d’origine tchèque. Lors de notre discussion mes questions sur sa religion l’ont poussé à me parler de Serkong Rinpoché un maître tibétain résidant à Daramhsalar. Cela tombe bien puisque c’est ma prochaine étape. C’est aussi là au milieu des montagnes indiennes que s’est exilé le Dalaï Lama. Le lendemain matin je saute dans un bus pour essayer de rencontrer l’un de ces deux personnages. 

De bus en bus, je parviens au pied des montagnes d’Himachal Pradesh. Cette véritable muraille naturelle est certes magnifique mais (en plus d’attirer les touristes) elle retient les nuages. Inévitablement il se met à pleuvoir lorsque je sors du bus. La température a chuté avec l’altitude et je me retrouve à sortir pantalon de pluie, veste et pull-over que je ne pensais pas utiliser de sitôt. D’après David, il existe aussi à Mcleod Ganj un hébergement gratuit pour les voyageurs. Entre deux averses j’essaye en vain de dénicher ce lieu. Au bout d’une heure je me résous à trouver une auberge de jeunesse. Je ne suis pas un grand fan de cette petite ville touristique où tout semble tourner autour du business. Drôle d’ambiance mêlant hôtels de luxe avec moines en kesa. Les auberges les moins chères se trouvent un peu plus en hauteur, à cinq kilomètres du centre-ville.

Cinq cents mètres avant d’arriver à la destination les fines particules d’eau se transforment en un torrent ininterrompu. Je me jette de justesse sous le porche d’un commerce. La pluie ne cesse pas alors je succombe pour un pain fait maison dont je savoure chaque bouchée en humant l’odeur de la farine et du levain. Les quatre cents grammes du pain ne m’ont pas fait patienter assez longtemps et le déluge se poursuit. Au bout d’une heure, je me décide à foncer sous la pluie. Je prends soin de bien faire passer mon immense poncho sur mon sac et je marche à vive allure sous la pluie. Le temps se durcit encore un peu plus et je m’abrite cette fois devant une vitrine de bijoux. Le tonnerre retentit et de violentes bourrasques fouettent les bâtiments. Soudain, la lumière du village s’évapore. Face à cette obscurité la pluie s’échappe et le calme s’installe. J’éclaire le sentier à l’aide du flash de mon téléphone et pénètre dans une auberge où une petite ampoule lutte contre la pénombre. Le prix du dortoir que l’intendant m’annonce me semble déraisonnable puisque c’est le double de ce que j’ai l’habitude de payer. Différentes auberges même discours, ce lieu commence vraiment à me taper sur les nerfs. Pendant ma pause dans le petit commerce j’avais repéré un autre hébergement dont le prix affiché sur internet correspondait à ce que j’avais l’habitude de payer. Une fois sur place, je découvre qu’il s’agit d’une chaîne possédant plusieurs auberges dans le pays.

C’est ainsi que je retrouve les règles idiotes caractéristiques des grandes entreprises. D’abord le jeune homme à la réception m’explique qu’il ne peut pas me donner le tarif affiché sur internet si je ne fais pas la réservation en ligne. Ensuite, il refuse le paiement en liquide, ce dernier étant utilisé uniquement en dernier recours. Au bout de plusieurs tentatives, le mail avec le lien de paiement parvient dans ma boîte électronique. La première méthode de paiement refuse ma carte bancaire, par chance la deuxième fonctionne. Pensant que je suis parvenu à bout de ce parcours du combattant, j’apprends que je dois désormais remplir un formulaire en ligne avec les informations de mon passeport et de mon visa. Le jeune homme prend en plus une photo de mon passeport au cas où le site en ligne ne fonctionnerait pas. Vingt minutes plus tard j’ai fini mon check-in qui aura été le plus long de toute ma vie. Encore un truc d’intello qui pense que la technologie fait nécessairement gagner du temps… Avec un billet et un petit registre papier cette même formalité prend habituellement moins d’une minute. Mais que voulez-vous, il faut vivre avec le progrès !

Il est minuit, je suis repu, propre et m’apprête à embrasser les bras de Morphée lorsque j’entends un Indien parler à haute voix dans le dortoir. Il est au téléphone et parle anglais :

« Non mais bébé tu ne comprends pas… Mais bébé… Mais bébé, je t’aime » répète inlassablement le jeune homme. Au bout de dix minutes, j’en ai ras-le-bol et j’interviens d’une voix forte :

« Mon pote, est-ce tu pourrais aller passer ton appel à l’extérieur du dortoir ? » 

La conversation cesse immédiatement, fin d’une longue journée. 


Une histoire incroyable

Le lendemain je change de lieu car l’auberge est complètement réservée. Je découvre à la lumière du jour McLeod Ganj, plébiscité par les touristes indiens issus de toute évidence d’une classe élevée et les Européens venus faire une « retraite spirituelle ». Je retrouve exactement ce que j’avais observé à Rishikesh : une multitude de lieux proposant des cours de yoga ou de médiation. Curieusement tous possèdent les meilleurs maîtres et affichent des tarifs élevés. Le profil des touristes est toujours le même : riches occidentaux à l’esprit un peu alternatif qui dépensent des fortunes dans des bibelots importés de Chine et dans les restaurants européens. J’imagine qu’à leur retour, ils ne manqueront pas de prétendre qu’ils ont acquis la paix intérieure ou qu’ils sont des maitres en yoga après avoir passé deux semaines dans le Nord de l’Inde. Mais ne soyons pas mauvaise langue, il en faut pour tout le monde. 

Je m’amuse à constater que tous les prix correspondent strictement au double de ce que j’ai l’habitude de payer. J’ai été dans des endroits plus reculés en Inde sans que les denrées alimentaires n’aient subit une telle inflation. Après quelques recherches, je finis par dénicher les lieux aux tarifs « normaux » où se restaurent les locaux.

Mc Leod Ganj au pied de l’Himalaya

Une bonne moitié de la population doit être des Tibétains en exil facilement reconnaissables à leur visage rond. Je me rends au temple où séjourne le Dalaï Lama. Curieusement le lieu semble moins fréquenté que les salles de yoga… Le chef spirituel du Bouddhisme donne des discours à de petits groupes. Il est facile d’y avoir accès après avoir réalisé une inscription auprès des membres de son bureau. Malheureusement pour moi, sa sainteté est actuellement en déplacement à New Delhi. Je parviens tout de même à localiser l’hôtel dans lequel loge Serkong Rinpoché dont David m’avait parlé. Je prends rendez-vous avec ce moine qui a l’habitude de recevoir des étrangers.

C’est ainsi que je rencontre cet homme simple le lendemain matin à 10h30. David m’avait raconté son histoire. Ce jeune homme de 33 ans est apparemment la réincarnation de l’ « ancien » Serkong Rinpoché. Ce moine avait inspiré George Lucas pour le personnage de Yoda. Il a aussi enseigné le quatorzième Dalaï lama et il serait décédé à l’âge de 69 ans pour protéger le Dalaï Lama en attirant sur lui un mauvais Karma via la pratique du tonglen. Que l’on y croie ou pas c’est quand même un beau récit. Les curieux pourront découvrir toute cette histoire qui a été raconté par le professeur Alexander Berzin sur le site : studybuddhism.com.

Serkong passe l’heure dont nous disposons à répondre à mes questions dont la principale est la suivante. J’ai remarqué que souvent les périodes positives de ma vie, les bons moments, les belles expériences ou les belles rencontres sont précédées de moments plus sombres. Comme une onde sinusoïdale qui oscille inéluctablement entre le positif et le négatif dans une parfaite symétrie. Sa réponse quoique longue fut assez simple. Les mauvaises périodes ne sont pas négatives en soi. C’est une invitation à apprendre quelque chose de nouveau et à grandir. Souvent ces problèmes sont liés à une perception erronée de la réalité. Pour les résoudre il faut essayer d’aborder la situation d’un autre angle. En tout cas, il ne croit pas en l’éternelle oscillation entre les bonnes et les mauvaises périodes. Le fait de prendre conscience qu’une situation est négative uniquement à cause de notre fausse perception permet de mieux appréhender les accidents de la vie ; et de vivre ainsi plus de bons moments que de mauvais.

Son dernier conseil, c’est de profiter pleinement de la vie. De faire les choses que l’on aime et qui nous rendent heureux car la vie est précieuse.


De retour à Amritsar

Assagi par ces conseils je quitte la montagne en faisant de l’auto-stop. Assez facilement je rejoins la plaine par plusieurs petits bons. Ce moyen de se déplacer n’étant pas très populaire en Inde, je suis souvent déposé dans des arrêts d’autobus. Cette fois l’homme qui m’a pris sur sa moto attend avec moi l’autocar. Il ne parle pas anglais, alors par respect pour lui je monte dans le bus pour rejoindre Amritsar. Comme à l’aller je change de bus à Pathankot et je trouve que j’ai beaucoup d’air qui m’arrive sur la figure. Je mets cinq minutes à réaliser que le bus roule sans pare-brise, rien d’extravagant pour ce pays !

De retour dans le dortoir du gurudwara du temple d’or je rencontre un Russe de 33 ans exilé à cause de la conjoncture que nous connaissons tous. Fils unique, parents et grands-parents décédés, la seule attache à son pays se résume à son ex-copine et un ami skinhead drogué. Face à l’ironie du sort, il trouve son plaisir dans les sports extrêmes et les expériences un poil dangereuses. Il m’explique comment un jour il a fabriqué un éclair en lançant un morceau de câble sur une ligne 750kV directement reliée à la centrale nucléaire ! Les Russes ont un mot pour décrire cet état de résignation joyeuse qui les pousse à faire des choses stupides pour briser la monotonie de l’existence. L’écrivain Sylvain Tesson a créé un néologisme pour traduire ce mot : pofigisme. Mon ami ne parle pas anglais mais a bien compris ma surprise face à son histoire. Je lis sur son traducteur la phrase suivante : « Nous sommes tous un peu fous à notre manière ».

Par curiosité, je mets mon nez à l’entrée d’un bâtiment qui me semble être les fourneaux de la cantine collective du temple d’or. Je rencontre un jeune Sikh qui se fait un plaisir de me présenter les installations de cette cuisine qui est la plus grande du monde. Tous les plats sont cuits dans des marmites qui doivent faire deux mètres de diamètre. Les légumes y mijotent pendant plus de quatre heures. Conformément aux règles instaurées par la religion ces marmites sont chauffées par d’immenses fourneaux à bois car la chaleur naturelle aurait des bienfaits sur la nourriture cuisinée. Tout est dans la démesure. L’espace de stockage des denrées alimentaires regorge de sacs de riz et de blé. Le lieu est même équipé d’un moulin pour produire sa propre farine. 

Préparation du Dal dans l’une des cuisines du temple d’or

Mon guide improvisé m’explique aussi les principes de sa religion et les traditions qui en découlent. Il y a une parfaite égalité entre hommes et femmes et chacun est invité à ne jamais se couper les cheveux qui sont signe de force vitale. Les fidèles croient que Dieu les a créés parfaits. Ainsi ne pas se raser honore la création du divin. Nous continuons la visite. Je me sens privilégié de pouvoir découvrir les entrailles de cette organisation. La machine qui fabrique les chapati (galettes de blé) permet de faire plus de 5 000 chapatis à l’heure. En plus, une vingtaine de volontaires fabriquent aussi des chapatis par la méthode manuelle pour ceux qui n’aimeraient pas ceux réalisés par la machine. Je reste bluffé par toute cette générosité. 

Je demande à mon nouvel ami pourquoi les Sikhs distribuent gratuitement de la nourriture et proposent à Amritsar plus de 3 000 hébergements sans contrepartie financière : 

« C’est simple, notre gourou a dit de prendre soin les uns des autres. Alors c’est ce que nous faisons ».

Toutes les religions ont plus ou moins les mêmes principes mais les Sikhs sont à ma connaissance ceux qui les appliquent au mieux dans la vie de tous les jours ! Je n’aime pas faire d’amalgames mais les Sikhs sont les fidèles les plus gentils et les plus généreux que j’ai rencontrés.

L’histoire serait trop belle si elle s’arrêtait là. Le soir dans la gare, je discute avec Mickey. Nous nous sommes liés d’amitié après que je lui ai demandé de rechercher le numéro de ma couchette sur son téléphone. Ce jeune homme coiffé d’un turban m’explique les rivalités qui continuent d’exister entre le gouvernement indien et les Sikhs. Le chef de ces derniers a été arrêté il y a quelques jours car il revendique l’indépendance du Penjab. De nombreuses arrestations de Sikhs ont eu lieu ces dernières années considérées comme arbitraires par la communauté. Le gouvernement se justifie en condamnant les actes extrémistes. L’histoire de ce peuple qui a été martyrisé par les Moghols du XVIIe siècle puis par le gouvernement indien plus récemment semble se répéter inéluctablement. Ces persécutions justifiées ou non n’ébranlent en rien la générosité des religieux. À l’image de ces bénévoles à la cantine gratuite qui font preuve d’une compassion démesurée envers tous ces Indiens qui se poussent et qui ne respectent pas les règles dans la queue qui conduit au réfectoire. 


Un temple original

La règle numéro une en Inde, c’est de toujours se faire confirmer une information par plusieurs interlocuteurs. N’ayant pas appliqué ce principe et ayant fait confiance au voyageur qui m’a assuré que le train s’arrêterait à Deshnoke, je me retrouve à descendre à 30 km de ma destination. Heureusement qu’il est très facile de sauter dans un bus public.

Je visite le temple de Karni Mata réputé pour être le seul temple au monde avec des rats. Des milliers de petits rongeurs (25 000 d’après les estimations) courent sur le sol de pierre et se faufilent dans tous les interstices. Le folklore veut que ces rats soient selon les versions : les réincarnations des fils de Karni Mata ramenés à la vie ou une armée de déserteurs punis pour leur crime. Je m’attendais à ce que les animaux soient cloisonnés dans une pièce mais ils évoluent en totale liberté. Comme dans tous les autres temples il est obligatoire de se déchausser pour pénétrer dans le lieu sacré. Je me retrouve ainsi à marcher sur des graines de blé et des excréments… Je fais extrêmement attention à ne pas écraser de rongeurs. Juste à ma droite, j’observe un rat en train de grimper sur l’épaule d’un visiteur assis sur des marches. Je ne m’attarde pas plus dans cette curiosité religieuse pas très exemplaire en matière d’hygiène. 

Par un heureux hasard je me retrouve à manger dans un restaurant gratuitement. Le gouverneur du Rajasthan a mis en place depuis peu ces cantines où un repas complet coûte 8 roupies (9 centimes). Les cuisiniers honorés par ma présence refusent de me faire payer. Plus tard, des locaux m’expliqueront que cette décision a pour but d’aider les plus démunis même si ce genre d’établissement subventionné par l’état ne connaît pas vraiment un franc succès. La vérité c’est que je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de personnes qui meurent de faim en Inde. Je n’ai croisé personne montrant des signes de malnutrition même lorsque je suis sorti des sentiers battus pour me rendre dans des zones populaires. Un autre indicateur qui me pousse à cette conclusion, c’est le bon état de santé des chiens errants qui se nourrissent des tonnes de nourriture gaspillée. À l’inverse les chiens errants en Albanie étaient frêles avec la peau sur les os. En fait l’Inde est confrontée au problème inverse. Je suis choqué du nombre de personnes en surpoids. Je remarque que l’obésité touche beaucoup plus les femmes. Une petite recherche internet m’apprend que 20 % de la population souffre d’obésité mais je trouve ce chiffre largement sous-estimé comparé à mes observations…

J’ai réfléchi à la question de cette nourriture dont le prix est dérisoire et je suis arrivé à la conclusion suivante. Lorsque je regarde le monde, il me semble que le prix de la nourriture est inversement proportionnel à la population. Je pense que l’explication à ce phénomène est d’ordre politique. Plus peuplé est votre pays, plus difficile en est la gouvernance. Afin d’éviter de violentes émeutes, la seule solution c’est que tous se couchent avec le ventre plein car il n’y a pas plus incontrôlable qu’un homme qui a faim. Rajoutez à cela des smartphones bon marché et un abonnement internet peu coûteux. Vous contrôlez ainsi le pays le plus peuplé du monde. La population de l’Inde a dépassé celle de la Chine (ou est sur le point selon les estimations). Il m’est arrivé de voir des Indiens sans chaussures mais avec un téléphone portable ! Du pain et des jeux disait un certain empereur romain. 


Le Rajasthan, un paradis ?

Plus au Sud, la petite ville de Jaisalmer est réputée pour son fort de pierres ocres. Au milieu du désert dans un décor des mille et une nuits, vivent encore de nombreux indiens dans l’enceinte des murs. C’est d’ailleurs, avec Carcassonne, l’une des seules villes fortifiées habitées au monde ! Si ces bâtiments aux sculptures raffinées sont magnifiques, l’ambiance est tout autre. À peine arrivé, je suis sollicité une dizaine de fois pour des trajets en tuk-tuk, des guesthouses, des safaris et des magasins de bibelots en tout genre. C’est infernal et insupportable. Je me résous à faire le sourd et à ne plus répondre à tous ces vautours qui tournent autour de moi. Pour faire les courses, j’ai systématiquement droit au prix « spécial touriste » qui a le don de m’énerver. Par exemple un vendeur de gâteaux me demandera 200 roupies pour un kilo alors que plus tard un honnête homme me vendra les mêmes pour 100 roupies. Plus je voyage et moins je supporte ces lieux touristes où l’authenticité a complètement disparu au profit du business. En déambulant dans la ville, je trouve la parfaite métaphore de ces transformations. Un hôtel est en train d’être construit avec des murs et des poutres en béton hideuses. Juste sur la façade des plaques de parement sont collées pour donner un cachet ancien et raffiné au bâtiment. J’observe la même chose avec ces autochtones dont la dévotion s’arrête dès qu’ils comprennent que je ne leur achèterai rien. Je ne veux pas faire de généralités et je fais encore de belles rencontres mais je constate que ces lieux ultra-touristiques transforment les gens en « Picsou ». 

Ruelles de Jaisalmer

Je m’éloigne de la ville pour marcher au bord d’un lac entouré par une savane magnifique. Un jeune commence à discuter avec moi pour me demander de l’argent au bout de cinq minutes. Je le quitte immédiatement fou de rage. Une autre personne entame une conversation avec moi. Comme l’homme parle bien anglais je lui explique que ces comportements sont insupportables et qu’à terme ils conduiront ce lieu à sa perte. Il comprend mon ressenti, m’explique que les gens doivent bien vivre et termine la conversation en me demandant 10 roupies…

Les touristes ont une grosse part de responsabilité dans ces changements. Beaucoup de voyageurs ne voient aucun problème à payer cinq fois le prix local puisque cela reste moins cher que leur pays d’origine. C’est là, à mon sens la plus grosse erreur de ces voyageurs qui ne quittent leur pays que deux semaines par an. Comparer le coût de la vie à son pays d’origine est une aberration. Un tel comportement pousse les locaux à délaisser leurs activités au profit des touristes. Dès lors le coût de la vie pour les locaux augmente. Ces derniers deviennent obsédés par l’envie de faire de l’argent et délaissent leur patrimoine culturel. Tous vous assurent l’authenticité de leurs produits comme ce « boulanger » qui me dit faire son pain dans un local sans cheminée ni four. Qu’importe, les adeptes du Club Med n’y voient que du feu !


Une fin du séjour éprouvante

Ajmer à des airs de cité balnéaire avec son lac, sa promenade et ses palmiers. D’ailleurs son nom n’est peut-être pas si innocent. Je ne m’y attarde pas car dans deux heures mon second train quitte la gare pour Udaipur. Je voyage rapidement à travers le Rajasthan car d’une part il commence à faire extrêmement chaud et puis je commence à me lasser de l’Inde.

Udaipur est magnifique avec ses palais et sa charmante ville qui surplombe plusieurs lacs. Les locaux sont respectueux et je ne suis pas interpellé dans la rue comme un animal.

Vue d’Udaipur depuis l’auberge de jeunesse

Je saute dans mon dernier train qui s’avère être correctement rempli. Si les touristes m’avaient déconseillé la ville de Jaipur, les locaux me la vantaient. Je comprends tout de suite cette divergence d’opinions. Le blanc que je suis attire immédiatement l’attention des chauffeurs de tuk-tuk qui sont d’une insistance indécente. Dès que je sors de mon auberge, je deviens fou après à peine cinq minutes. Les sollicitations sont forcées à l’extrême et parfois les chauffeurs de tuk-tuk roulent à côté de moi pendant plusieurs minutes pour essayer de me convaincre de monter à bord. Face à un tel irrespect, je développe différentes techniques. La première est de ne pas parler, l’autre est de raconter n’importe quoi. J’en viens même à essayer de me faire passer pour un fou en produisant brusquement des sons étranges ce qui a pour conséquence de surprendre le chauffeur qui me laisse tranquille. Lorsque je me rends à la gare routière pour prendre un bus, je demande (comme à l’habitude) de l’aide à un local mais cette fois je suis immédiatement dirigé vers un tuk-tuk qui me ment en me jurant qu’il n’y a plus de bus ou que le dernier est parti. Cet endroit me fait littéralement chier et mon corps me le fait savoir. Voilà le retour de la diarrhée.

Jaipur est le parfait exemple d’un lieu qui a été pourri par le tourisme de masse et les Français ont une grosse part de responsabilité puisque de nombreux chauffeurs de tuk-tuk parlent français ce qui laisse présager que des touristes de l’Hexagone nourrissent ces comportements irrespectueux et insupportables.

Enfin le jour du départ a sonné, je me rends à l’aéroport en prenant soin d’avoir été aux toilettes avant de quitter l’auberge. Mais arrivé devant la porte du terminal je rencontre un problème. Les militaires qui filtrent l’entrée refusent de me laisser entrer. Pour des raisons de sécurité ils ne laissent rentrer les voyageurs que cinq heures avant le décollage. Je suis là deux heures trop tôt. Je dois donc rester à l’extérieur dans la chaleur, sans accès à l’eau ou aux toilettes. J’argumente vivement avec les militaires et de rage, je jette mes affaires au sol et m’assis par terre juste à côté d’eux. Je sens dans leur langage non verbal la gêne qu’ils éprouvent. Les voyageurs qui passent devant moi, me regardent avec un air étrange. Je leur lance : « C’est comme ça que vous traitez les touristes ? Comme des animaux ? ». Au bout de dix minutes un autre militaire me demande d’aller m’assoir plus loin. Je rétorque qu’ils ne m’ont pas laissé rentrer, donc je reste là. J’en rajoute une couche en disant : « Et si j’ai envie d’aller aux toilettes, je fais mes besoins contre la vitre du terminal ? ». Dépourvu de toute répartie le militaire me laisse tranquille. N’ayant pas mangé depuis le matin et subissant des maux de ventre, je suis vraiment énervé envers ces règles débiles pour un petit aéroport dont personne ne se soucie.

Les Indiens sont beaucoup dans le paraître et je sais bien que ces militaires n’ont probablement pas d’expérience à en juger par leur répartie ou à leur physique peu athlétique. Ces règles idiotes me font penser aux gares ferroviaires indiennes où les bagages sont scannés à l’entrée. C’est bien, sauf que la moitié des passagers rentrent par la sortie ce qui leur évite d’avoir à passer leurs sacs aux rayons X…

En tout cas, je comprends désormais ce que Steve me disait à l’aéroport du Kuwait lorsque je le trouvais rude envers les employés de la compagnie indienne : « Ce n’est pas que je suis rude, mais crois-moi, après un an passé en Inde, j’ai perdu ma timidité ». Dans un pays de plus d’un milliard d’habitants où tous se comportent comme s’ils étaient seuls au monde, il faut savoir s’imposer. Deux heures plus tard, je suis enfin invité à rentrer dans l’aéroport.

Les pneus de l’avion ont tout juste touché le sol que déjà le bruit des ceintures qui se détachent retentit dans la cabine. Cette habitude des Indiens à ne rien respecter ne va pas me manquer. Bienvenu à Bangkok !

Une réponse sur “Une histoire d’amour”

  1. Que de péripéties ! Il me semble que je voyage avec toi alors que je suis devant l’ordi !
    Profite au maximum de tout et continue à nous apprendre le quotidien de tout ces gens rencontrés au hasard…
    Leçon d’histoires, de géographie, de langues, de philosophie, enfin quoi l’ECOLE tout simplement sans table et sans banc et sans murs…
    Sentiment de liberté qui me fait du bien je l’avoue…

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