Terre en vue ! (Martinique)

L’esprit martiniquais

Après avoir traversé l’océan Atlantique me voici donc en Martinique. Je m’éloigne du port et laisse derrière moi le Kissanga. À l’office du tourisme, je découvre une nouvelle façon de vivre. La dame très gentille parle doucement et m’expose les différents attraits touristiques de l’île. Ici, c’est comme ça, on prend le temps et on s’efforce de ne pas se fatiguer ! Alors quand je lui parle de randonnées, j’ai l’impression de l’achever.

-« Et ce parcours, qu'en pensez-vous ? »
-« Oui, vous pouvez le faire. »
-«  Mais c'est intéressant ? »
-« Oui, vous pouvez le faire. »

Je n’aurais pas plus d’informations…

Quelques minutes plus tard, sur le parking d’un supermarché, une autre scène folklorique se déroule sous mes yeux. Au milieu du parking plusieurs personnes sont attroupées. La raison, c’est cette petite mamie dans sa vielle Renault 5 (qui roule toujours par je ne sais quel miracle). La grand-mère n’arrive pas à prendre un virage entre deux voitures.

- «Vas-y mamie, ça passe ! Aller mamie !» cri un homme.

 Les roues de la petite voiture sont braquées au maximum. La mamie hésite et finalement le véhicule négocie le virage. Mais la voiture se dirige maintenant droit sur les autres voitures garées !

- «Redresse mamie, redresse », hurle l’homme. 

Doucement, la voiture reprend une trajectoire correcte, la catastrophe a été évitée de justesse… Les quelques personnes attroupées appondirent et la mamie donna un coup de klaxon en guise de remerciement. Le tout s’est déroulé dans la bonne humeur, sans énervement et avec une bienveillance déconcertante. 

Justement, les voitures parlons-en. Elles sont en majorité en mauvais état, mais tant que ça roule, tout va bien ! Quand les voitures deviennent trop fatiguées, on retrouve les épaves au bord des routes ou dans certaines cours de jardins. Elles sont alors disloquées pour en réparer d’autres.

Le stop est redoutablement efficace en Martinique, je ne passe pas beaucoup de temps sur le bord de la route. C’est d’ailleurs le premier endroit depuis le début de mon voyage où je verrai d’autres auto-stoppeurs.


Premières rencontres


Jérôme est le premier à me transporter sur cette île. J’en profite pour me renseigner sur la faune et la flore de la Martinique. Hormis les scolopendres et une espèce de serpent assez rare, il n’y a pas grand-chose à craindre. De plus, il est aussi possible de dormir dehors sans se faire embêter : parfait !

En m’enfonçant dans les terres, je découvre des paysages verdoyants à perte de vue. Au sud de l’île, on cultive majoritairement la canne à sucre alors qu’au Nord ce sont les bananiers qui occupent l’espace. Jérôme me dépose à une station-service. J’ai à peine le temps de me repérer que la voiture fait demi-tour. Il me demande de ce que j’ai prévu de faire aujourd’hui. Rien de spécial.

Naturellement, il m’invite chez lui pour que je puisse me reposer de la Transatlantique. Il sait ce que représente un tel voyage, car il a déjà convoyé des bateaux à travers cet océan. Je suis déconcerté devant cette spontanéité, nous avons à peine discuté une quinzaine de minutes ! Il me fait bonne impression et comme toujours lors de ce voyage je me fie à mon instinct. J’accepte alors son invitation. L’après-midi est agréable, la conversation va de bon train et la vue du balcon est tout simplement grandiose.

Une vue à couper le souffle !

Direction Le Nord !

Comme je suis arrivé complètement au sud de l’île, je me dirige maintenant vers le nord pour pouvoir ensuite rejoindre la Guadeloupe. Je progresse rapidement grâce à mon coup de pouce. Les rencontres sont enrichissantes. Je viens d’apprendre qu’ici les gens se tutoient même s’ils ne se connaissent pas, signe que la hiérarchie est inexistante d’un point de vue relationnel). Ainsi, il est fréquent d’entendre dans les commerces : « madame, tu peux me donner un sac, s’il te plait ? « 

En route, je sens une odeur nauséabonde, ce sont les sargasses. Ces algues qui prolifèrent au large viennent se déposer sur certaines plages et libèrent un gaz toxique en se décomposant. Heureusement, toutes les plages ne sont pas touchées. Et malgré ce que l’on pourrait croire, ces algues existent depuis de très nombreuses années puisque Christophe Colon avait déjà évoqué la présence d’une mer de sargasses suite à ses expéditions. Bien sûr, il est évident que le réchauffement climatique ainsi que la pollution ont dû accélérer la prolifération de ces algues. 


J’arrive sur une jolie petite plage, lieu idéal pour accomplir l’objectif que je suis fixé pour mon séjour en Martinique : récolter une noix de coco. ! Il y a un cocotier au tronc courbé qui mesure 3-4m de haut: la proie idéale. En serrant fort le tronc avec mes bras et mes jambes je m’extirpe vers le sommet et décroche ma première coco. Je vous l’accorde, elle est un peu difficile à ouvrir avec mon petit opinel. En fait, il me faut une vingtaine de minutes pour l’ouvrir ! Mais rassurez-vous, cet effort est vite récompensé par la douceur du lait et le bon goût de la chair. 
Bien évidemment, l’eau est turquoise, presque un peu trop chaude pour moi ! Sa température frôle les 28°C…

Santé !

J’arrive à proximité du nord de l’île et suis pris en stop par Jeanvile qui possède plusieurs hectares de bananiers. Je retire de ce trajet des informations intéressantes sur les bananiers. En effet, ceux-ci produisent des bananes en continu et il y a deux récoltes par an. Les bananes sont ramassées vertes puis conduites à la mûrisserie où elles sont entreposées. Quand un magasin en commande un stock, les bananes passent dans une chambre où un gaz les fait mûrir. C’est ainsi que vous pouvez en consommer sans modération toute l’année.

La fin de la route indique que la pointe nord de l’île n’est pas très loin. J’ai remonté la Martinique en suivant la côte Atlantique, je souhaite maintenant aller voir la partie qui fait face à la mer des Caraïbes. Pour ce faire, je suis un joli sentier de randonnée à travers la forêt. En chemin, je trouve un oranger, un bananier et des cocotiers: j’ai le plein de fruits !

D’ailleurs, je trouve assez facilement des fruits pour me nourrir et il y a une plante que j’adore : la canne à sucre. Je récolte uniquement les pieds couchés en bordure de champs. Il faut ensuite les peler et mâcher l’intérieur pour en extraire le suc sucré. On recrache ensuite les fibres. En fait, on peut comparer cela à un chewing-gum au sucre.

Je passe la nuit sous les cocotiers au bord d’une plage de sable noir. Je me suis construit un abri avec d’immenses palmes de cocotiers pour m’abriter … des noix de coco ! Eh oui, ils ne payent pas de mine, mais les cocotiers sont assez dangereux. Je vous épargne les calculs, mais une coco de 2kg qui tombe de 5m de haut : ça fait du dégât ! Le début de la nuit est un peu agité puisqu’il y a une bête qui rôde à côté de mon abri. Impossible de la voir même avec la frontale. Alors, je mets en place ma moustiquaire et m’endors sereinement. Après réflexion, je pense qu’il s’agissait d’un rat attiré par les noix de coco que j’avais ouvertes.


L’ancienne capitale

Je suis maintenant à Saint-Pierre, ancienne capitale de la Martinique. La ville a été détruite en 1902 suite à l’éruption de la montagne Pelée, seul volcan actif de l’île. L’unique survivant était un prisonnier bien à l’abri au fond de son cachot !

L’ancienne prison avec le volcan à l’arrière plan.

C’est ici que j’espère faire du bateau-stop pour rejoindre la Guadeloupe située à une centaine de kilomètres plus au nord. Je m’installe sur le ponton toujours avec un petit panneau indiquant ma destination. Ainsi, je passe plusieurs jours à attendre. D’ailleurs, je ne considère pas ces moments à patienter comme un temps mort. En effet, je rencontre une grande variété de personnes qui se promènent sur le ponton. Cela va du papy de 85ans qui déborde d’énergie aux jeunes tout tranquilles qui fument et trafiquent je ne sais quelles substances.


De plus, c’est dans cette ville que j’aurais la preuve de la gentillesse et de la bienveillance des Martiniquais. Prenez le jour où je cherchais des toilettes publiques. N’en trouvant aucune ouverte, je demande à un papy en train de lire installé sur son balcon. Son accent est très prononcé et nous avons du mal à nous comprendre. Cela ne l’empêche pas de me proposer d’utiliser ses toilettes. Il ne se lève même pas et me dit de rentrer chez lui et d’aller « au fond à gauche ». Je reste quelques secondes immobile, un peu bête, surpris par cette spontanéité.

Ce soir-là, j’eus un autre exemple de l’esprit martiniquais. Alors que je questionne les passants sur un lieu où je pourrai passer la nuit, je fais la connaissance de Sandrine et ses 3 enfants. Rapidement, je lui explique ce que je suis en train de faire et elle me conduit chez Hervé. Il tient une pizzeria en ville et me propose son garage pour que je puisse dormir à l’abri. Cela semble normal pour lui d’héberger un étranger. Philosophe sur les bords, il considère que les Occidentaux ont un rapport trop inflexible avec le temps et l’argent. Ici, on se rend service et on profite du moment présent. C’est pour lui le plus important, car personne ne sait de quoi demain sera fait. À quoi bon courir dans tous les sens, si l’on ne profite jamais ? La soirée se termine sur ses sages conseils et par la dégustation d’une très bonne pizza. 


Un autre soir, c’est Gregory que je rencontre dans la rue. Il m’invite pour manger. Je goute à la boisson locale : le rhum. Pas de chichi, le rhum se boit pur, ce serait quand même dommage de gâcher un si bon goût. Gregory m’a invité, car je lui rappelle l’émission « J’irai dormir chez vous ». C’est ainsi, après manger, qu’il m’hébergera le temps d’une nuit sur le canapé de son modeste appartement.


Je commence à prendre les repères dans cette petite ville. Le matin, je « cogne le poing » de plusieurs personnes : du sans-abri au discours incompréhensible aux jeunes qui traînent autour du ponton. C’est comme ça qu’on se dit bonjour sur cette île. 


Hissez les voiles !

Finalement, je rencontre Gérard et Françoise, ils partent dans quelques minutes pour la Guadeloupe. Ils doivent s’arrêter une nuit en Dominique pour bricoler le bateau d’un de leur ami. J’accepte d’embarquer avec eux. C’est la première fois du voyage que je navigue sur un monocoque. À l’inverse du catamaran, le monocoque gite. C’est-à-dire qu’il se couche (jusqu’à 45°) sous l’effet du vent. Il faut donc s’habituer à évoluer sur un sol fortement incliné.

Nous atteignons la Dominique après quelques heures de navigation, c’est l’île qui sépare la Martinique de la Guadeloupe. Cette île est habitée par des populations modestes et a été frappée en 2017 par le cyclone Maria. C’est pourquoi un peu partout sur l’île, il subsiste les séquelles de la tragédie : bâtiment sans toit à l’abandon, bâches, débris, etc. Pour couronner le tout, l’endroit où nous sommes est parsemé de sargasses…

Arrivée en Dominique.

Le lendemain, cap sur la Guadeloupe. En mer, Gérard me raconte des blagues et des devinettes pour passer le temps. Sa compagnie et son humour sont d’ailleurs très agréables. Nous arrivons en fin d’après-midi. J’aide Gérard à bricoler sur le bateau. Encore et toujours j’en apprends un peu plus sur les bateaux. Aujourd’hui, je quitte le navire pour rejoindre Pierre. C’est un membre de ma famille qui vit en Guadeloupe. Il a l’esprit aventurier et voyageur alors vous vous imaginez bien que je me devais de lui rendre visite.

Me voici donc en Guadeloupe !


Merci beaucoup à :

Pierre ;Gérard, Françoise et Randy ;Marie Deswitch ;Adrien ;William ;Gregory ;Mireille et Luciana ;Laurie ;Gregory ;Moise et Hervé ;Sandrine, gael, et zieguiel et romi ;François ;Jean-luc ;Jennine ;Charles et kimberley ;Jean-Marc ;Marie rose ;Christian ;Seline et Marie jo ;Junio ;Rémi ;Jeanvile ;Guy le suisse ;Marie Claire et Yan ;Linda et Anne-lyse ;Jérôme et Jordan

Une réponse sur “Terre en vue ! (Martinique)”

  1. Je relis avec plaisir ton récit de voyage… nous sommes le 13 avril, week-end des Rameaux, je ne sais pas où tu te trouves à l’heure où je t’ecris mais je te souhaite une bonne continuation et de Joyeuses Pâques ???… avec un peu d’avence…!

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