Transsibérien

Ça y est j’embarque dans le Transsibérien ! J’ai réservé une place dans le train n°82 qui relie Moscou à Oulan-Oude. Au programme, 5499 km de rails et 4 jours de voyage. La durée du voyage est confuse, car le train traverse 5 fuseaux horaires. De plus, l’heure du train et de toutes les gares reste à l’heure de Moscou. Malgré la distance qui peut sembler énorme, je n’emprunterai qu’une partie du chemin de fer transsibérien. En effet, celui-ci est le plus long du monde. Il relie Moscou à Vladivostok sur une distance de 9 288 kilomètres.


Premières impressions

J’ai choisi de voyager en 3ème classe. Ici, les wagons rassemblent une cinquantaine de personnes contre une vingtaine pour la première classe… Le wagon est composé de 9 compartiments ouverts, 2 toilettes, un compartiment pour l’hôtesse du wagon, un distributeur d’eau chaude (80-100°C) et un d’eau froide. Par compartiment, il y a d’un côté 4 couchettes avec des espaces de rangement. De l’autre côté de l’allée centrale, il y a 2 couchettes. C’est ici que je me trouve sur la couchette en hauteur. La journée les couchettes du bas se transforment en chaises et tables.

La première chose qui m’a frappé quand je suis entré dans le wagon c’est la chaleur ! Dehors, la température doit fleureter avec le zéro. Je m’aperçois qu’il y a un petit écran indiquant, l’heure, le numéro du wagon et la température. Il fait 28°C ! Oui vingt-huit degrés Celsius ! Sachant que j’ai devant moi au moins 3 jours de voyage ( et pas de douche), je dois agir vite.

Tout d’abord les chaussures. Dans le Transsibérien tout le monde a des petites claquettes ou des pantoufles. Il est mal vu de se promener pieds nus ou en chaussettes. Je vais voir l’hôtesse et je lui demande si elle parle anglais. Sa réponse : « niet ! ». Je saisis mon traducteur hors ligne et lui montre la traduction de « pantoufles » . Pour l’équivalent de quelques euros, j’aurai des petites pantoufles ouvertes sur lesquelles il est brodé : « rzd » . C’est l’équivalent de notre « SNCF ». Par chance j’ai un short de bain dans mon sac je me dépêche de l’enfiler avant de dégouliner. Ça va mieux, mais quelle chaleur !

Une fois que tout le monde s’est installé, le wagon est calme. Les gens dorment, lissent ou mangent.

Les voyageurs sont très discrets et ils cachent derrière un regard méfiant de la pure et simple gentillesse. Ma première voisine m’aidera à faire mon lit. Personne ne parle anglais. Il n’y a aucun touriste seulement des locaux. Je passe mes deux premiers jours à dormir, manger, me perdre dans mes pensées… Je suis surpris par la quiétude du wagon. De ce que j’avais pu lire ou entendre, dans le Transsibérien les gens sont normalement plus actifs.

Sous mes yeux défile la majestueuse taïga. Le décor est sans fin, mais je ne m’en lasse pas. Seuls quelques longs trains chargés de charbon ou de marchandises interfèrent avec le paysage. Je passe beaucoup de temps à contempler cette forêt.

Le temps dans le train est d’ailleurs une notion très étrange, presque absurde. Je n’ai pas trouvé le temps long. Il est cependant déconcertant de jeter un coup d’œil à la pendule. En effet, il fait nuit à 15h quand nous approchons du lac Baïkal.


Premières rencontres

Le deuxième jour de voyage, je vois une jeune traverser le wagon en filmant avec son téléphone. Ce doit être une touriste. Je n’ai pas le temps de lui demander si elle parle Anglais, elle est déjà sortie du wagon. Le lendemain elle repasse, cette fois, j’ai le temps de l’interpeller. C’est une jeune russe de 25 ans qui rentre chez elle à Irkoutsk après 7 mois de voyage en Europe. Elle s’appelle Anastasiya et bonne nouvelle elle parle anglais !

Elle aussi, trouve le train particulièrement calme. De plus, elle m’explique que celui-ci est généralement plus animé l’été avec les touristes !

Le train s’arrête plusieurs fois par jour dans des gares plus ou moins grandes. La durée des arrêts varie de 1 à 51 min.

La plupart des personnes qui prennent ce train passent en moyenne une journée dans celui-ci. Je comprends mieux l’étonnement de la contrôleuse lorsqu’elle a vu sur mon billet que j’allais jusqu’à Oulan-Oude. Anastasiya m’explique que les Russes utilisent ce train uniquement pour faire des « petites distances » d’environ 1000 km. Au-delà, ils prennent l’avion plus rapide mais aussi plus cher.

Du coup, je change régulièrement de voisins. C’est ainsi que je rencontre Sergueï mon nouveau voisin. C’est un russe de 35 ans qui parle un peu anglais. Il est vérificateur pour différents magasins en Sibérie. Ainsi, il rentre chez lui à Novosibirsk. Quand nous arrivons à la gare où il doit descendre, il me propose de l’accompagner jusqu’à un magasin non loin de la gare. En effet, sur le quai il y a uniquement des petits kiosques, les prix sont plus élevés par rapport à un magasin classique. J’ai de la chance, le train fait un arrêt de 51min. Je suis donc Sergueï jusqu’au magasin et fais quelques courses.


Nourriture

En parlant de nourriture, la mienne est assez basique. Soupes, nouilles chinoises, semoule, pâté, biscuits, gâteaux, pommes, bananes et du thé, beaucoup de thé ! Les courses sont un moment assez drôle. En effet, ne comprenant pas le russe, je me fie uniquement à l’emballage.

Ainsi, j’ai acheté des feuilletés salés en passant que c’était des viennoiseries; des soupes chinoises en passant acheter un plat préparé et du riz au bœuf en croyant acheter du pâté !

De plus, dans certaines petites boutiques, on est servi par le marchand. Le langage des gestes s’imposera ! Fait anecdotique, une bonne partie des aliments ont dépassé la date de péremption! Le plus vieux que j’ai acheté était périmé depuis 1 an ! Je m’en suis aperçu après avoir acheté les produits. Je les ai donc mangés. Heureusement, je n’ai pas été malade !


Convivialité

Je prends mon dîner en tête à tête avec un nouveau voisin. Et quel voisin ! À vue d’œil : 1m90 et plus de 100 kg. Après lui avoir proposé des petits gâteaux, nous commençons la conversation. Seulement voilà, il ne parle pas français et moi je ne parle pas russe. Cela va être d’une façon originale que nous allons communiquer. Voyant que nous ne nous comprenons pas, je sors mon téléphone sur lequel j’ai un traducteur hors-ligne. Tour à tour, nous écrivons sur le téléphone. Les traductions sont approximatives, mais compréhensibles. C’est un professeur de sport. Quand je lui demande quel sport il enseigne, il me dit « échecs ». Je le regarde en fessant « non » de la tête; je ne le crois pas. Il rigole. C’est en fait un professeur de lutte ! Nous continuons notre conversation semi-numérique.

Lors d’un long arrêt du train, je retrouve Anastasiya sur le quai. Elle me fait découvrir son wagon. Elle est en deuxième classe. Les compartiments de 4 places sont ici fermés. Elle a fait des études dans l’art et me montre une vidéo réalisée dans le cadre de sa formation. Si vous êtes curieux, vous pouvez aller voir la page Facebook de son équipe de tournage ainsi que son Instagram.

Nous décidons ensuite d’aller manger au wagon-restaurant. Nous sommes accueillis par une authentique Russe. Petite, blonde, bien en chair et avec un fort caractère! Elle s’occupe de tout dans le restaurant : elle est la servante et la cuisinière. Dans le wagon il y a seulement une petite poignée de personnes. Heureusement que Anastasiya est avec moi, car le menu est exclusivement en russe. Nous mangeons des graines de sarrasin cuites et une soupe comportant des boulettes de viande.

En parlant anglais, nous attirons très vite la curiosité. Un homme vient s’assoir à côté de nous. Il est intrigué. Le dialogue s’instaure avec Anastasiya qui joue gentiment le rôle de traductrice. Cet homme un peu en état d’ébriété construit des ouvrages pour une société pétrolière. Son lieu de travail : un peu partout en Sibérie. C’est un travail très dur et dangereux. Il est content de me rencontrer, je lui ferai par la suite une dédicace sur une serviette en papier. Il veut la montrer à sa famille.

L’ambiance dans le restaurant est assez folklorique et conviviale. En effet, pendant que cet homme nous fait la discussion, un autre est en train de draguer la cuisinière.

Cette fameuse cuisinière parlons-en ! Elle travaille ici dans le train depuis ses 14 ans, elle doit avoir 50-60 ans… Malgré les apparences, c’est une dame assez douce et romantique. Elle nous récite un vieux poème d’amour datant de la guerre.

Bref, le wagon-restaurant est un lieu de rencontre. Les gens sont curieux, contents de rencontrer un étranger et très gentils. Je boirai quelques verres de cognac avec un homme nommé Kristian. Il veut m’aider dans mon voyage. Il me propose de me passer une voiture pour que je puisse rejoindre la Mongolie !


Dernière surprise

J’ai donc fait de nombreuses rencontres dans ce train. Et même à des milliers de kilomètres de la France, je me sens ici comme à la maison.

Dernier jour de voyage, je suis un peu nostalgique à l’idée de quitter le train. Cependant, celui-ci va me réserver une dernière belle rencontre. C’est la rencontre de deux titans : le lac Baïkal et le soleil. Je m’éveille comme par magie juste avant l’aube. Et assiste au lever du soleil sur le lac gelé. Le spectacle est grandiose. Difficilement descriptible. Une coupe de feu est posée à l’horizon sur la glace. Magnifique, mais éphémère, la lumière s’intensifie rapidement et impossible de continuer à regarder. Je me rendors bercé par les mouvements du train.

 

Les voyageurs commencent à ranger leurs affaires, nous arrivons à Oulan-Oude !

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